Chapitre 35
Ce soir-là, mon mari a connu une détérioration de sa respiration, sans même fournir d'effort, ma fille et moi avons insisté pour qu'il accepte que l'on appelle le médecin, mais il a catégoriquement refusé, craignant d'être à nouveau hospitalisé. Face à la détresse respiratoire grandissante de mon mari, je n'avais d'autre recours que d'appeler de l'aide, malgré sa réticence. Je lui ai donc promis que l'oxygénothérapie serait suffisante, et qu'une hospitalisation était hors de question. Cédant finalement, nous avons fait venir le médecin en hâte. Après l'avoir ausculté, le verdict est tombé : une hospitalisation d'urgence s'imposait : son état l'exigeait, les urgences mobilisées. Il s'est pourtant fermement opposé, demandant simplement à retrouver son souffle, sans se résoudre à une nouvelle admission hospitalière. Il s'est tourné vers moi, ses yeux remplis de tristesse et de larmes, et a murmuré : "je ne veux pas aller à l’hôpital, ". Je lui ai répondu en le rassurant : "ne t'inquiète pas, nous viendrons te chercher dès que possible, tu auras juste besoin d'un traitement". Ce regard restera gravé en moi ; je l'ai rassuré par un mensonge tendre, lui promettant qu'il échapperait à l'hôpital. Mon instinct me poussait à protéger son cœur d'enfant, vulnérable face au mystère inquiétant de l'inconnu. Alors que l'heure du départ pour l'hôpital approchait, mon désir de l'enlacer était fort, mais, il m’a repoussé. Ensuite, les secouristes ont soigneusement positionné son corps affaibli à l'intérieur du véhicule médicalisé, tandis qu'ils fermaient la porte, ma fille et moi partagions un regard lourd d'émotion, éprouvant une crainte muette à l'idée qu'il puisse ne jamais revenir. Malgré cette peur, nous réprimions les vagues de pessimisme, conscientes que son unique besoin immédiat était de l'air pur et de la capacité à respirer sans peine. Pourtant, nous refusions de nous laisser submerger par ces pensées négatives, tout ce dont il avait besoin était de l'oxygène, pour maîtriser sa respiration, si fatigante pour lui. Sans ce problème respiratoire, il aurait pu rester parmi nous pendant encore de nombreuses années, j'en suis persuadée. Il nous pèse terriblement de n'avoir pas été à ses côtés cette nuit-là. Malgré le fait que son expression dure, et sa réaction aient laissé des cicatrices en moi. Mais, je ne regrette pas d'avoir été à ses côtés. Le lendemain, nous sommes allés le voir ! ma fille était en larmes, ses jambes se bloquaient de nouveau, elle m'a dit : "je ne peux pas le voir, c'est trop dur". Et, je lui ai répondu : "ce n'est pas grave, ma chérie, reste ici, moi, j'y vais". Ma fille refusait que je traverse cela seul, et à maintes reprises, elle a fait preuve d'un immense courage, même si c'était extrêmement difficile, voire insupportable pour elle. En franchissant le seuil de la chambre dans laquelle il reposait, un tube enfoncé dans la gorge et relié à une machine d'assistance respiratoire, nous ne pouvions que nous interroger avec désarroi : que lui avaient-ils donc fait ? Là, à ses côtés, nous avons laissé couler nos larmes, nous demandant combien de temps, il serait condamné à souffrir. Quelles nouvelles épreuves le destin lui réservait encore ? La diminution progressive de l'oxygène était prévue ; une respiration indépendante signifierait la fin de l'intubation. À notre retour, le jour suivant, les effroyables tubes avaient été ôtés. Effort après effort, il luttait pour parler, mais seul un gribouillis indéchiffrable naissait de sa tentative d'écrire. C'est alors que l'infirmière dévoila un tableau alphabétique, espérant que l'indication par blinks pourrait transmettre ses pensées, mais même devant ce tableau, aucune étincelle ne traversait son regard fixe, il me fixait avec insistance, bougeant vainement les lèvres, cependant sans émettre un son compréhensible "je ne comprends pas", lui avouai-je, et à chaque mot non compris, sa détresse respiratoire s'intensifiait dangereusement. Mon mari ne pouvait plus respirer sans oxygène, son état s’aggravait, il fallait le laisser partir.
L'heure avait sonné pour le verdict médical, je m'armais de courage pour affronter l'inéluctable "il est temps de le laisser partir". Le médecin l'annonça avec compassion, après avoir consulté d'autres experts, sa maladie avait progressé avec une vélocité foudroyante. En ce jour sombre du 21 décembre 2020, je dois prendre une décision capitale. Autour de son lit, entouré par ses proches et le médecin, je luttais avec l'impensable pour lui, il fallait le délester de ce fardeau de douleur "coupez les appareils, je me résigne". Les mots s'échappant lourdement de mes lèvres, accablée, mais soutenue par sa famille, je savais avoir agi par bonté. Nous avons veillé, partageant des mots d'adieu ; le mien, un murmure déchirant : "pardonne-moi d’avoir dû choisir, mais ton soulagement prime sur notre chagrin, adieu, pardonne-moi.
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