dimanche 12 janvier 2025

Loin de la maison

 


Chapitre 8


En période de vacances, l'ennui s'imposait généralement à moi lorsque je restais cloîtré chez moi. Mon attention se tournait alors vers la fenêtre, où je contemplais les allées et venues des passants, la situation privilégiée de notre domicile, au cœur même de la ville, nous offrait la chance de profiter de toutes les animations qu'elle proposait.  Alors que je me tenais à ma fenêtre, j'entendis soudainement une personne siffler, au début, je n'y prêtai pas attention. Cependant, le sifflement persista, intriguée, je regardai en face et remarquai un garçon qui travaillait sur le chantier en face de mon immeuble, il me souriait, ses cheveux blonds mi-longs ajoutant à son charme, il fit signe de venir le rejoindre.  Je ne me souviens plus de l'excuse que j'inventai pour m'approcher de lui, quoi qu'il en soit, je l'ai rencontré. Mon père ne devait pas être présent ce jour-là. De près, il était encore plus séduisant, grand, mince, avec des cheveux blonds et des yeux bleus. Il se présenta, et je fis de même timidement. Il dégageait une gentillesse naturelle, et sa maîtrise de la parole était captivante. Bien sûr, nous nous sommes revus à plusieurs reprises et puis, je suis tombée amoureuse de lui. J'avais enfin trouvé une personne qui s'intéressait à moi, qui était attentionné. J'ai commencé à vivre enfin, je me sentais exister, j'avais trouvé une personne qui prendrait soin de moi, qui m'aimerait et pour qui j'aurais de l'importance.

 Un jour, j'ai pris la décision de quitter la maison pour enfin trouver le bonheur auprès de lui. Cependant, comment annoncer cela à mes parents ! À dix-huit ans, je m'apercevais que je n'avais jamais rien connu d'autre que la campagne chez mes grands-parents, et la ville dans laquelle j'ai grandi, j'en avais assez de cette vie-là. Je voulais vivre sans peur. Enfin, j'ai trouvé une personne qui m'aimait, et que j'aimerais pour toujours. Je ne tremblerai plus à cause de mon père alcoolique durant de longues nuits. Après une nuit de réflexion intense, l'estomac noué, j'ai pensé à ma maman, et à la douleur qu’elle ressentirait, aux répercussions sur elle, causées par mon père. Les larmes ont coulé alors que j'écrivais cette lettre. Cependant, je devais partir : "petite maman, je suis fatiguée, ce n'est pas ta faute, je t'aime de tout mon cœur." Après cette nuit de veille, j'ai rédigé la lettre explicative pour mon départ. En jetant un dernier regard à mon environnement, j'ai dit adieu au passé, mon avenir est ailleurs à présent. Les yeux remplis de larmes, j'ai déposé la lettre sur la table de la cuisine, avant de refermer la porte derrière moi. Les pleurs m'envahissant, j'ai cru que j'allais m'évanouir en partant, mais je devais le faire, partir sans me retourner.  Même si j'étais épanouie avec lui, ma maman me manquait, je l’évoquais très souvent. Cela fait deux mois que je suis avec lui, sans avoir pu la voir, pourtant, un jour, il m'a proposé d'aller rendre visite à mes parents. Malgré mon envie immense, j'ai refusé, consciente que mon père pouvait être très cruel. Il m'a rassurée en me disant qu'il serait là pour me protéger et puis, je désirais tellement revoir ma maman. Et, enfin, ce jour est arrivé où nous sommes allés les voir. Tout s'est très bien passé, maman était un peu froide envers moi, mais je pouvais la comprendre, mon père s'est comporté comme si je n'avais jamais quitté la maison, c'était étrange. Nous avons longuement parlé, enfin, plutôt Pierre a parlé, et tout à coup, mon père a annoncé qu'un logement se libérait au-dessus, et que nous pourrions y habiter. Mon père était étrange, aurait-il changé ? Pierre a immédiatement accepté, et moi, j'étais heureuse d'être près de maman à nouveau. Tout s'est passé très rapidement, et elle avait oublié mes erreurs, je pense qu'elle a compris à quel point j'étais malheureuse.  Mon père gardait ses habitudes de consommation excessive, et j'étais là pour veiller à ce que maman ne subisse aucune violence, malgré le fait qu'il ne l'ait jamais frappée, mais sachant que ses accès de délire étaient imprévisibles.

Au bout de quelques mois, j'ai commencé à émettre des doutes, j'avais l'impression de ne pas réellement connaître la personne avec qui je partageais ma vie. Elle pouvait radicalement changer d'apparence, et de comportement en un instant. Peut-être n'était-ce que le fruit de mon imagination, une réaction normale après tout ce que j'avais traversé. Au fil du temps, j'ai réalisé que mon intuition était juste, non, je ne m'étais pas trompée.  C'est un souvenir qui ne s'est pas effacé de ma mémoire. Ce fameux samedi après-midi, Pierre m'a annoncé notre sortie en discothèque. Pour la soirée il m'a demandé de m'habiller de manière séduisante. Nous avons parcouru plusieurs boutiques de luxe. Cependant, aucune robe ne m'a vraiment convaincue. Finalement, j'ai dû me résigner à essayer une robe, trop osée à mes yeux, sous l'insistance de Pierre, la robe s'ajustait parfaitement à ma silhouette, dans une couleur bleu azur, avec une grande fente sur le côté et des bretelles fines, la portant au-dessus des genoux. Nous sommes sortis de la boutique en nous tenant la main, quand, malheureusement, deux garçons ont posé les yeux sur moi, Pierre s'est précipité vers eux comme une furie, les pauvres ont été brutalement blessés, alors qu'ils n'avaient rien fait. Je le suppliais d'arrêter, mais il ne m'entendait pas. Je commençais à avoir peur de lui. Le soir venu, malgré tout, nous sommes tout de même allés en boîte, je portais ma robe neuve, avec des talons aiguille, et lui son magnifique costume gris, nous formions un très beau couple. Arrivée en boîte, je me suis assise, sans regarder personne, encore choquée par les événements de l'après-midi, il me dit de me détendre et de m'amuser, mais j'ai refusé en lui disant que je ne voulais pas danser seule, que je voulais qu'il vienne avec moi. Cependant, il n'en avait pas envie, alors j'ai décidé de rester assise à côté de lui, m'assurant ainsi qu'il n'y aurait pas de problèmes. C'est alors qu'un garçon s'approcha de notre table, et la panique s'empara de moi, il s'adressa à Pierre : "Puis-je danser avec votre amie ?" pierre répondit, d'un ton sec : "bien entendu." j'étais réticente, mais il avait insisté, donc je me suis levée malgré moi. Je me suis dirigée vers la piste de danse, mes jambes tremblant d’appréhension, "que va-t-il encore se passer ce soir ?". Jai laissé le garçon en plan après la première dance, je me dirigeai vers Pierre, à ce moment-là, il se leva et, d'un ton méchant, dit : "on rentre.", je ne comprenais pas, je n'avais rien fait de répréhensible. Une fois à l'extérieur, il déchira ma robe et m'insulta. Il me saisit violemment le bras, jusqu'à ce que nous atteignions la maison, c'est là que l'horreur commença.

 "Le poêle crépitait tandis qu'il agissait de manière impardonnable, détruisant mes affaires sous l'emprise de la colère. Cette nuit interminable m'a laissée sans forces, trop épuisée pour me défendre, je craignais que ses cris ne perturbent ma maman, dont la santé fragile était constamment mise à l'épreuve par les problèmes avec mon père. Il mobligeait à avoir du sexe avec lui, ainsi, dans l'ombre du foyer consumé, j'ai enduré en silence jusquà l'aube. Le lendemain, les excuses maladroites qu'il murmurait, prétendant ne plus jamais reproduire de tels actes. Jaccepte, pourquoi seulement ai-je accepté  ? La terreur que son visage blême et son corps tendu m'inspiraient était la réponse. Oui, il me faisait très peur. Si seulement j'avais su ce que lavenir me réserve, j'aurais brisé le silence auprès de ma maman. Malgré la colère bouillonnante en moi, la haine qui émergeait contre lui, je restais piégée dans ce cauchemar sans fin. Alors que les jours se succédaient, mon calvaire s'intensifiait : une tentative d'asphyxie sous l'eau , une horreur inacceptable. Il me contraignait à supporter des visions obscènes, à m'asseoir dans ces salles de cinéma répugnant, où je me sentais réduite à l'insignifiance, répugnée par l'indécence des ombres autour de moi.


 Comme je n'avais pas encore mon permis de conduire, je devais compter sur le bus pour rentrer chez moi. Pierre était très strict sur les délais. Je savais aussi que j'allais subir des conséquences si j'arrivai en retard, alors qu’en tant que coiffeur, il était rare de finir à l'heure. En revanche, cela ne le préoccupait pas, je devais être à la maison, sinon je risquais d'être puni, ce qui était devenu une habitude pour moi. Puis il a eu ce soir-là, Alors que je faisais mon retour du travail, Pierre et un ami à lui, tous deux enivrés, narquois. Mon cœur gorgé de peur. Je préparais à manger, quand un couteau sinvite brutalement dans le buffet de cuisine, à quelques centimètres de ma tête. Mes mains tremblantes, j'ai cherché la sortie, mais jétais captive, une prisonnière. Seuls des cris libérateurs a alerté maman. Elle monta, brandissant la menace policière. Jai trouvé refuge au près delle cette nuit-là. Et, face à ses excuses matinales, ma colère sévaporait inexplicablement. Jétais comme enchainé à cet homme qui me prenait toute mon énergie, et mon temps, il envahissait ma vie : c’était le vampire de mon quotidien.

Les mois s'écoulèrent, je me sentais dépérir, mon poids diminuant pour atteindre seulement 50 kilos, j'avais perdu ma joie de vivre, ne vivant plus qu'avec la peur constante, mais peut-être que ma vie était destinée à être ainsi. Chaque soir, je rentrais chez moi rapidement après le travail pour préparer le repas, et m'assurer que tout était prêt, surtout pour éviter les commentaires. Il était tard ce soir-là et toujours pas rentré, mon estomac se nouait, la crainte grandissait, comment allait-il rentrer ? Soudain, la sonnette retentit, je fus surprise, pourtant il avait les clés, j'entends des pas s'approcher de plus en plus rapidement. Je vois deux policiers qui m'annoncent son arrestation et qu'il passera un long moment en prison. Je n'ai jamais su la raison, peu importe, j'étais enfin libre, libérée de cet individu toxique.

Après avoir entamé mes recherches pour trouver un nouvel appartement, j'ai été incroyablement chanceuse de dénicher un studio disponible dans la rue où résidait ma maman. Cependant, les lettres menaçantes en provenance de la prison ont semé la peur en moi et ont ébranlé mon moral.(Quand je rentrerai, je tépouserai Si tu fréquentes d'autres hommes, je te défigurerai Malgré mes craintes constantes, j'ai continué à me rendre au travail, essayant de faire face à l'insécurité qui m'entourait.) Chaque nuit était un véritable cauchemar, des images horribles de ces actes abominables qu'il me faisait subir. Des atrocités que je gardais pour moi, ne les partageant ni avec ma maman qui était déjà accablée par mon père, ni avec ma sœur, car mon beau-frère aurait pris plaisir à ma douleur. Après avoir traversé cette période difficile, j'ai réussi à reconstruire une vie sereine en demeurant constamment méfiante envers les autres. J'ai prêté serment à moi-même de renforcer mes défenses : plus de blessures, plus de confiance aveugle, quoi qu'il en soit, l'oubli est un luxe hors de portée. Les ombres de la terreur, en particulier celles de l'eau où il a tenté de m'éteindre, persistent. Chaque détail anodin peut provoquer un torrent de souvenirs indésirables. Fuir le foyer paternel, dominé par l'ivresse destructrice de mon père, est devenu vital, tout ce que je désirai, c'est une existence dépourvue de crainte


" J'ai vécu la peur et la violence. J'étais convaincue que ma vie était finie, que plus jamais je n'aurais une vie normale






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