Chapitre 29
Maman est toujours malade, nous ignorons ce qu'elle a, les médecins ne se prononcent pas. Ma sœur ne m'a toujours pas donné de ses nouvelles concernant l'état de santé de maman, hospitalisé depuis déjà trois semaines. Ma sœur allait régulièrement voir maman, moi, c'était un peu compliquer, comme j'habitais assez loin. Nous sommes le 2 avril 2018, demain ma fille et moi nous allons là voir. Lorsque nous avons appelé l'hôpital, ils nous ont répondu qu'elle n'arrêtait pas de prononcer mon prénom, et qu'elle était mal. J'appréhendais de la voir. Pourquoi Dieu la punissait ainsi, elle n'avait rien de sa vie, alors qu'elle ne demandait jamais l'impossible, elle se contentait de si peu. Elle voulait juste être heureuse. Sa vie était un travail constant, une souffrance perpétuelle. Elle a pris soins de mon père, quand il était malade, elle courait à l'hôpital lorsque ses frères étaient malades. Elle s'est occupée de sa maman qui, elle aussi, était malade. C'était cela sa vie ! Et, maintenant, il n'y a plus personne pour venir la voir à part, nous, ses enfants. Et, moi, pas tout le temps disponible. Elle pleure très souvent, quand elle s'aperçoit qu'elle n'a rien fait de sa vie, à part travailler où s'occuper des autres. Pour elle, il serait meilleur qu'elle parte rejoindre celui qui lui a tant brisé le cœur en la laissant toute seule, mon frère. Depuis son départ, maman, c'est très vite dégradé, et mon frère était la seule personne qui lui donnait une raison de vivre. J'aime ma maman de tout mon cœur, mais je ne peux accepter qu'elle souffre autant. Je préfèrerais qu'elle s'en aille dans son sommeil, sans souffrances et sans larmes. Après tant de larmes, il aurait été juste qu'elle connaisse le bonheur avec un partenaire qui la reconnaisse vraiment, lui montrant qu'elle est bien plus que mère au foyer. Maman, n'a vécu que pour le travail et nous. Te voir souffrir ainsi m'est insupportable
Jeudi 5 avril 2018, nous allons lui rendre visite à l'hôpital. J'ai toujours cette peur au ventre de là voir dans un très mauvais état. Elle était toujours tellement contente de nous voir. Ce jour-là, quand nous sommes arrivés, elle était assise dans sa chaise, en train de discuter avec une sœur. Quand elle nous a vus, elle semblait heureuse et je me réjouissais de la voir discuter avec une personne. Au fur et à mesure que ma fille et moi, nous parlions avec elle, nous nous sommes rendu compte que parfois, ce qu'elle racontait n'avait pas réellement de sens. Et, ça faisait tellement mal de la savoir ainsi. Elle disait, qu'il fallait qu'il ferme l'hôpital, car il y avait une épidémie. Lorsque nous lui avons montré Aaron, en vidéo et qu'il pleurait, elle disait, « mais va lui faire a mangé ». Je lui ai ramené un bout de tarte au fromage, elle l'a dévoré, certes, c'était un plaisir de la voir mangée, mais ce n'était pas maman. Elle appréciait les choses qu'elle mangeait. Ensuite, nous avons marché un peu dans le couloir, elle voulait nous montrer qu'elle savait marcher. Après, elle cherchait sa pince à épiler. Elle a affirmé que son sac se trouvait dans la chapelle alors qu'en réalité, il était dans l'armoire. Ensuite, elle a voulu nous montrer la petite chapelle, en nous disant qu'elle se trouvait aussi à l'étage, comme sa chambre. Nous avions beau lui dire que non, elle insistait, pour elle c'était sûr, c'était bien ici à l'étage. Une infirmière qui passait par là, nous lui avons demandé, et elle a répondu, « non, la chapelle est un étage plus bas. » La seule chose que maman a répondue en pleurant. « Moi, je ne comprends plus rien ». Je n'essayais plus de la contredire. De toute façon, elle n'aurait pas compris. Ma maman avait tellement changé, ça m'arrachait le cœur, je ne la reconnaissais plus. Comment peut-on changer ainsi, je n'arrive pas à comprendre, jamais, je n'aurais pensé que maman deviendrait ainsi. Le lendemain, elle tombe, et se fracture l'orbite de l'œil droit. Le surlendemain, elle retombe, et se fracture l'orbite de l'œil gauche. C'est à ce moment-là qu'on lui a mis les barreaux au lit et qu'ils ont commencé à lui attacher les mains. Je n'aurais pas supporté de voir maman les mains attachées. Elle ne méritait pas ça, ces mains qui ont travaillé très dur, devenu aujourd'hui inutiles. On savait que maman ne rentrerait plus, elle ne pouvait plus rester seule, le seul endroit, c'était la maison de retraite. Une bonne chose pour maman. Là-bas, elle sera entourée d'autres personnes et peut-être qu'elle oubliera qu'elle ne veuille plus vivre. J'en veux à ma sœur, quand tout cela est arrivé à maman, elle aurait pu m'appeler pour m'en parler, elle ne l'a pas fait, pourquoi ? Jamais je n'aurais réagi ainsi avec elle, c'était tout de même aussi ma maman, même si je n'étais pas toujours présente.
16 avril 2018 à 12 h 30, maman est partie, elle nous a quittés pour toujours. La froide annonce de ma nièce via le répondeur m'a saisi, faisant battre mon cœur à la cadence d'un tambour funèbre, mes mains ne pouvaient plus retenir le téléphone qui s'est échappé, tandis que j'exprimais ma douleur par un cri déchirant, comme si l'apocalypse personnelle était advenue. Elle a quitté ce monde sans que je sois là pour lui tenir la main, et le poids des regrets m'écrase ; j'ai négligé les moments qui comptaient. Quelques heures après, le téléphone sonne ; c'est ma sœur au bout du fil, prête à me détailler les événements de sa journée chargée. Ce jour-là, elle faisait de la pâtisserie dans la cuisine. Quand elle dit à l'infirmière qu'elle ne se sentait pas trop bien. À ce moment-là, ils l'ont montée dans la chambre pour qu'elle s'allonge un peu. Elle disait qu'elle avait un poids sur la poitrine, et à ce moment-là, elle s'est endormie paisiblement. On ignore si elle a eu une crise cardiaque ou si elle a fait un AVC. Le soir, ma fille m'a rejointe pour la nuit, blotties l'une contre l'autre, nos doigts entrelacés, j'étais submergée par les remords. Si vos mamans sont encore là, ne manquez pas de leur exprimer votre amour, enlacez-les et rendez-leur visite le plus souvent que vous le pouvez ; quand elles ne seront plus, il sera trop tard. À mon réveil, je pensais que tout cela n’était qu’un mauvais rêve, avant que la réalité ne vienne s'imposer, il me semble désormais évident que ton vœu le plus ardent était de te rapprocher une fois de plus de Jean-Pierre, et qu'après son départ, tu brûlais du désir de le suivre, tant il était vital à tes yeux. La vie sans lui te paraissait insupportable ; tu fondais en larmes en permanence, emportée par son absence. Je t'implore, maman, prend soin à ceux qui portent un cœur fracturé.
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