Chapitre 5
Je me souviens de ce samedi après-midi, alors que j'étais avec maman dans la cuisine, la porte s'ouvrit et mon père fit son entrée. Ma maman et moi, nous avons échangé un regard, nous avions compris qu'il avait encore consommé de l'alcool. ” « Je pars chercher ma paie »" dit-il. Pendant qu'il s'absentait pour se préparer, maman me dit tristement » « Je crois qu'une fois de plus, je ne verrai rien de sa paie. « Et, je lui réponds : « Ne t'inquiète pas, je vais avec lui « Maman refusait, mais tant pis, je devais le faire. Quand mon père est entré dans la cuisine, je lui ai aussitôt demandé si je pouvais l'accompagner, et bien sûr, sans hésiter, il accepta. Je voyais maman très inquiète, elle ne cessait de dire « mais ne roule pas vite, tu as notre fille avec toi" " nous serons vite de retour « rajoute mon père, et nous voilà partis.
Son pied enfonçant l'accélérateur sans répit, alors que le monde s'accélérait à une vitesse étourdissante, et que mes supplications se perdaient dans le rugissement du moteur. Autour de nous, un nuage de poussière voilait le néant du désert, où aucune autre âme ne semblait exister. Soudain, l'apparition fugitive d'un lièvre ou un lapin a poussé mon père à déclarer sa chasse ouverte. Je le suppliais de ralentir, j’avais peur, puis plus rien. Quand je me suis réveillée, j’ai vu la voiture retournée, et plus loin, je voyais mon père allongé par terre, la tête en sang. J’ai hurlé, malgré ces journées où je maudissais son existence. Avec lenteur et précaution, je m'approche de sa silhouette immobile, le secoue énergiquement et, à ma plus grande stupéfaction, il entrouvre les paupières, se redresse péniblement et murmure : « ne t'en fais pas », puis il me dit “toi, ça va ?« J'ai très mal au dos, « et il me répond cela passera d'un ton rassurant, exprimant l'interdit de montrer la douleur. Nous devions être comme lui, nous n’avions pas le droit de nous plaindre. Une fois qu'il a repris ces esprits, nous avons commencé à marcher, nous dirigeant vers la route. Une voiture nous a vus et c'est arrêter pour nous emmener à l'endroit où mon père lui avait dit. Ayant enfin récupéré son salaire, nous avons pris un taxi pour le trajet du retour. Impatiente de rentrer à la maison. La route m'a semblé s'éterniser, jusqu'à ce que mon père demande au conducteur de s'arrêter. Confuse, j'ai observé les alentours, réalisant rapidement que le retour n'était pas pour maintenant : nous étions devant un bistro, mon cœur s'est serré en pensant à la promesse faite à maman. Il devait ramener son salaire intact, il était hors de question de le suivre, en espérant qu’il change d’avis. Cependant, il est rentré sans moi, et a rajouté” je bois une bière et je reviens ”L’attente solitaire à l'extérieur, s'est étirée en une éternité, et il ne fit jamais acte de retour. La nuit commençait à tomber, cette nuit était ma seule compagne. Je commençais d'avoir peur. Les allées et venues des inconnus me donnant des frissons, mon cœur tremblant. J'ai osé pousser la porte du bistro, il y avait beaucoup de bruit, puis le silence. Tous les regards fixés sur moi. Mon père, arrêté net dans son élan au bar, a montré une surprise flagrante, ma venue l'avait manifestement pris au dépourvu, quand il m'a enfin identifiée, il a lâché : « ah, mais c'est toi, ma petite ! » : « Ça, c'est ma fille », d'un pas hésitant, je me glisse à côté de mon père et murmure, « papa, j’aimerais rentrer, je suis fatigué.« Il hoche la tête, indécis, « juste une dernière tournée,« mais face à ma persistance, il cède finalement, « d'accord, allons-y. J'avais réussi, j'étais fier de moi, même si sur sa paie, il manquait un peu, cela suffisait pour payer les factures et subvenir à nos besoins. Le salaire de maman ne suffisait pas pour tout payer.
Quand maman fut au courant de l'incident, sa colère éclata, une fureur que je n'avais jamais vue chez elle auparavant, entre ses sanglots, elle accusa mon père de malade « c'est de la folie. Tu aurais pu la tuer. Bois si ça te chante, fou toi en l’air si tu le veux, mais pas avec notre fille." dépourvu de tout argument, mon père se mura dans un silence inhabituel et alla se coucher sans un mot. Le lendemain, il découvrit que sa voiture avait été dépouillée de ses roues pendant la nuit, laissant uniquement sa carcasse. Désolée, une ironie du sort qui lui semblait méritée.
Avant de quitter la maison, mon père présentait l'image d'un homme du monde, ses yeux bleus étincelants sous un front haut, paré d'une tenue irréprochable et d'une coiffure soigneusement appliquée de brillantine, ses chaussures brillaient d'un lustre minutieux, incarnant la sophistication. Pourtant, à son retour, l'effet de l'alcool le réduisait à une pâle imitation de lui-même, à peine plus qu'un pantin aux fils emmêlés.
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