Chapitre 34
Souffrant d'une douleur thoracique qui s'aggravait avec chaque effort, mon mari chercha l'aide d'un médecin ; celui-ci diagnostiqua une bronchite sévère et recommanda un traitement à base de sirop antitussif et d'un inhalateur pour améliorer sa respiration. Des jours s'écoulaient, mais la santé de mon mari ne s'améliorait guère. Inquiet, il retournait voir le médecin qui ordonna sans tarder des radiographies. Celles-ci exposèrent une infection pulmonaire sournoise qui exigeait des soins hospitaliers immédiats. Malgré l'anxiété, nous nous rassurions avec l'idée qu'une infection était curable. Juste avant que l'hôpital n'approfondisse les analyses, nous voulions être présentes, ma fille et moi. Effectivement, l'infection pulmonaire était confirmée. Seulement une ombre inattendue sur le scanner pulmonaire s’ajoutait à notre inquiétude. À mesure que les tests s'accumulaient, nous avons insisté, ma fille et moi, pour consulter le médecin ; puis est venu ce rendez-vous fatidique où, au premier coup d'œil sur le visage du docteur, la vérité nous frappa sans un mot ! Après le choc, la réalité qui s'installe. Choc, colère, incompréhension. Ma fille et moi assises devant son bureau, on se tient très fort la main. Sa vie ne résume qu'à un seul mot « Cancer ». Et, puis on s'organise, et très vite, on oublie la routine pour y inclure les séances de chimio, les contrôles, les prises de sang, les soins infirmiers, et tout ce qui s'ensuit. À présent, il faudra vivre avec cette menace permanente. Cependant, loin d'imaginer à quel point ce sera difficile. Mon mari a un cancer du poumon droit non guérissable. Nous redoutions de devoir lui révéler la vérité sur son état de santé, et surtout que ce soit le médecin qui lui annonce l'inéluctable. . Cependant, lors d'une nouvelle hospitalisation pour traiter son infection, alors que nous étions ma fille et moi dans sa chambre, la porte se fracassa soudainement, laissant apparaître le médecin suivi de ses internes. Mon cœur s'accélère. Il s'adresse à mon mari. Nous avons les résultats. Debout en un éclair, je lance d'une voix ferme : « attendez, parlez-moi en premier » l'expression du médecin se durcit, il me fait signe de le suivre dans la salle de réunions. Il nous délivre la nouvelle qui stoppe le temps : un cancer des plus agressifs, mais la chimiothérapie pourrait lui offrir quelques précieux mois supplémentaires. Les larmes aux yeux, je serre la main de ma fille, cherchant du réconfort. C'est impossible, le monde s'écroule autour de nous. alors, il prononce l'inévitable : "il est temps de le dire à votre mari." je le supplie, les yeux emplis de désespoir : "s'il vous plaît, ne lui annoncez rien, nous avons lutté à ses côtés, encouragé chaque souffle de combat, et à présent, vous souhaitez l'accabler avec cette vérité ? Il sera anéanti, il ne se battra plus, ne faite pas ça, ne lui dite rien » : je le suppliais de ne rien lui dire, mais il insistait, "il persiste à dire que révéler la vérité au patient est sa responsabilité « très bien, alors allons-y », dis-je avec un soupir de résignation larmes coulant sans fin. Ma fille et moi nous nous sommes levées pour marcher vers la preuve concrète de notre pire cauchemar. Parvenue à mi-chemin, ma fille s'immobilise et me dit d'une voix faible : « je ne peux plus avancer, mes jambes ne le permettent pas » avec tendresse, je lui dis : « reste ici », et je continue seule, suivant les pas des médecins. C'était le pire moment de ma vie. Une fois en chambre, le médecin engagea la conversation sur un ton grave : un cancer nécessitant de la chimiothérapie, et potentiellement de la radiothérapie si le traitement initial échouait. Immobilisé par la nouvelle, mon mari semblait pétrifié, les yeux perdus dans le néant, assis là, si vulnérable et enfantin sur le lit d'hôpital, il m'arrachait le cœur. Le silence pesait après la consultation, mais au fond de moi, un soulagement fragile naquit du fait qu'il n'avait pas connaissance de l'incurabilité de sa maladie. "Chimio" – ce terme bourdonnait obstinément dans mes oreilles, à la manière d'un cauchemar éveillé. Impossible que cela lui arrive. Une fois l'infection maîtrisée, il pouvait espérer quitter l'hôpital, non sans une perspective de visites régulières pour la chimiothérapie. Lorsque les proches ou autre demandait comment il allait, il se montrait rassurant, parlant d'un simple traitement, promettant un retour à la normale prochaine. Mon mari n'a jamais prononcé le mot Cancer, " j'ai un cancer " Courageusement, il s'est rendu à sa première séance de chimiothérapie. Ses forces semblèrent le porter, tant durant celle-ci que la seconde, sans aucun signe de nausée, et avec une faim quasiment vorace. Ma fille et moi étions comblées de le voir ainsi. Mais, cette voracité contrastait avec son amaigrissement évident, une contradiction qui se pesait jour après jour . Après la sixième séance, la fatigue se faisait ressentir, cependant il avait toujours de l'appétit. Mais, son souffle devenait de plus en plus court, et ses épisodes de toux s'intensifiaient, augmentant sa souffrance. Ma fille et moi ne manquions aucun de ses rendez-vous médicaux, attendant à ses côtés les verdicts des médecins et s'assurant discrètement que la sévérité de son état reste entre nos mains. Je sais aussi que l'accompagné dans la maladie, quotidiennement, était une période très difficile. Voir son père, ou son mari souffrir et s'éloigner de nous de jour en jour, et de ne rien pouvoir faire pour le soulager. C'est la pire des choses qui puisse exister. C'était vraiment très dur. Mais, nous avons gardé espoir. Continuons de rêver à l'inconcevable : des miracles, il y en a – constamment – et son tour pourrait venir, l'optimisme nous gagne une fraction de temps, quand la chimio semble porter ses fruits. Mais, notre soulagement est de courte durée ; les métastases se multiplient, le cancer se dissémine avec agressivité et, inévitablement, le désespoir s'installe dans le cœur de ma fille et le mien. Nous le vivons de plus en plus mal. Il se retranchait derrière un masque de normalité, invoquant une toux tenace et un essoufflement. Pour justifier son mal-être à demi-mot néanmoins, je devinais ses douleurs inexprimées, celles qu'il cachait méticuleusement, effrayé à l'idée d'une ré-hospitalisation. Toutefois, sa respiration et ces crises de toux le faisait de plus en plus souffrir. Laura était tous les jours à ces côtés. Elle s'occupait de tout ce qui concerne les papiers. >Mon mari, ne savait plus rien faire, alors que c'est lui qui s'occupait toujours de tout, et là, il était complètement perdu. J'ai alors choisi de rester invariablement à ses côtés, aussi longtemps que le destin le permettrait, sachant que nos heures étaient limitées, je tenais absolument à ce qu'il comprenne que jamais, je ne l'abandonnerais. Il était heureux de savoir que je suis là, près de lui. Nous avons tout fait, pour qu'il continue à se battre. Je lui ai même promis que nous recommencerions une nouvelle vie ensemble après sa guérison, mais qu'il devait se battre contre ce maudit cancer, et qu'il avait la chance qu'il soit encore guérissable. J'ai menti, car je voulais qu'il continue à se battre. Le temps passait, et mon mari, était loin de nous, très souvent dans ses pensées. Il était de plus en plus fatigué, il dormait peu la nuit. Souvent, il s'asseyait dans le fauteuil dans la chambre a couché, il réfléchissait, et parfois, il s'endormait. L'obscurité devenait sa crainte, la solitude son ennemi, je le contemplais et la douleur m’étreignait : "pourquoi lui, quelle faute justifie sa souffrance ?" malgré le froid entre nous, il ne méritait pas une telle épreuve, son appétit avait fui, repoussant même les senteurs les plus familières : celles de la cuisine et des bougies. La moindre contrariété provoquait ses larmes, il endure silencieusement. Son âme et son corps en proie à la maladie, mon mari se détachait de cette vie lentement. Cet affreux sentiment d'impuissance nous accablait, notre unique pouvoir était d'offrir notre présence et notre main à serrer. Aucune seconde n'était vécue en solitude dans cet ultime affrontement, les batailles étaient peut-être vouées à l'échec, mais les combattre restent essentiels, c'est ce qui nous porte.
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