Chapitre 17
Ma fille a décidé de ne plus poursuivre son activité de coiffeuse. Elle a trouvé un emploi comme serveuse dans un restaurant en Allemagne. Laura était ravie, ce nouveau travail lui plaisait et elle était épanouie. Un soir, ma fille me confia son souhait de me présenter quelqu'un, je me suis sentie obligée d'accepter, même si mon estomac était noué d'appréhension, quelle surprise m'attendait encore ? Le lendemain, ils sont venus, mais je ne pouvais pas y croire. C'était impossible, je ne pouvais pas l'accepter, je devais me réveiller, et voilà qu'un étranger se tenait devant moi, et ma fille m'a dit : "maman, je te présente Mr X". Choquée, je ne pus répondre que très froidement. Lui était poli et timide, ma fille a bien compris que je ne l'approuvais pas, vu ma réaction. D'habitude, je suis une personne souriante, mais cette fois-ci, mon visage ne pouvait trahir aucune joie, même si j'avais essayé de me forcer à sourire, je n'en aurais pas été capable, tout ce que je voulais, c'était l'expulser, mais je ne voulais pas faire de mal à ma fille. Je me sentais profondément triste et j'avais une envie irrépressible de crier, de hurler, cependant je suis restée silencieuse, comme à mon habitude, pour ne pas lui causer de peine. Alors que le soir tombait, assise sur ma terrasse, mes larmes ne cessaient de couler. C'est alors que ma fille est venue vers moi, me demandant : "maman, pourquoi pleures-tu ? Qu'est-ce qui se passe ?", après un moment d'hésitation, je lui répondis : "pourquoi un Algérien ? Ne sommes-nous pas suffisamment de français ?", ma fille me regarda droit dans les yeux et rétorqua : "maman, il n'est pas simplement algérien, sa maman est française, son papa vit en Algérie, et il est professeur d'université, ses parents sont séparés :"je l'aime, maman." je fixai ma fille droit dans les yeux, et lui dis : "bien, fais comme tu le souhaites, mais sache que je ne le porterai jamais dans mon cœur." j'ai dû blesser ma fille profondément en disant cela, elle est partie sans dire un mot. Mon Dieu, j'étais si cruelle, je ne voulais pas être aussi méchante et son père, que dira-t-il ? Comment réagira-t-il ? Le lendemain, ma fille est revenue vers moi et m'a confié qu'elle avait répété mes paroles à Jacques, et que ça lui a fait mal, il a simplement dit : "elle ne me connaît même pas". Il avait raison, j'avais jugé sans le connaître. En réalisant cela, j'ai réfléchi à l'influence de mon père sur moi, toujours me mettant en garde contre les étrangers, il a réussi à nourrir en moi des préjugés racistes. Dans la semaine, mon ordinateur a rencontré un problème, et j'ai demandé à ma fille si elle connaissait quelqu'un qui pouvait m'aider. Elle m'a parlé de Jacques, qui est expert en informatique, j'ai accepté son aide, et il a réussi à réparer mon ordinateur. En discutant avec lui, j'ai réalisé qu'il était intelligent et réfléchi, ce qui a modifié mon opinion sur lui, plus je passais de temps avec lui, plus je l'appréciais, ma fille était ravie de notre relation grandissante avec Jacques, cependant mon mari ne partageait pas cet enthousiasme.
Pendant ce temps, en février 2015, nous avons perdu mon frère qui s'est éteint soudainement juste avant de célébrer son soixantième anniversaire, laissant derrière lui un mystère quant à la cause de son départ. Il manifestait parfois des oublis alarmants, que maman nous racontait. Mettre la table devenait un échec récurrent, ses pantoufles finissaient dans le frigo et, parfois, mettre un nom sur nos visages lui était difficile. Le voir dans cet état, était vraiment douloureux, mon frère était une personne merveilleuse. Nous avons aussi eu la chance de l'avoir avec nous aussi longtemps. Les enfants atteints de trisomie 21 ont généralement une espérance de vie plus courte, donc nous sommes reconnaissants d'avoir pu le garder près de nous pendant une période plus longue. Depuis la disparition de mon frère, la joie de vivre de maman s'est complètement envolée. Avant, je pouvais la faire sourire ou la faire rire aux éclats, mais maintenant, elle est comme transformée, elle n'a plus aucun intérêt pour rien. Elle pleure toutes les nuits et semble mentalement être absente, elle prétend apercevoir mon frère marcher dans l'appartement, la fixer, le voir allongé dans son lit, cependant, dès qu'elle tente de le toucher, il disparaît instantanément. Quand maman nous raconte tout cela, ça parait si réel. Je suis profondément préoccupée de la voir ainsi et de ne pas pouvoir faire grand-chose pour l'aider, pauvre maman, elle a déjà enduré tellement de souffrances.
Après avoir passé deux ans à vivre ensemble, ma fille m'a annoncé qu'ils souhaitaient se marier. J'étais ravie pour elle, elle l'aimait tellement. Bien qu'au début, il y eût beaucoup de disputes entre eux, beaucoup la faute de ma fille. Tout n'était jamais assez bien fait, quand il tentait de se rendre utile. Ma fille est très maniaque. Elle acceptait rarement son avis, et le traitait comme un enfant. Souvent, je disais à ma fille « Tu n'as pas le droit de le traiter de la sorte, imagine, lui te traite ainsi, l'accepteras-tu, " non maman. Tu as raison, je ne souhaiterais pas qu'il me parle ainsi. Je ne suis pas gentille.". " J'ignore pourquoi je suis ainsi. Ma fille, quand elle a ces moments, elle a des mots qui peuvent faire très mal, et pourtant je sais qu'elle ne les pense pas, mais elle ne peut pas se contrôler. Au commencement, Mr X ne disait rien, mais après, il ne l'acceptait plus, ce qui est tout à fait normal. Dans un couple, il faut un respect mutuel, sinon adieu, rien ne pourra se construire. Pourquoi se lancer des insultes si ça ne veut rien dire, jusqu'au jour où c'est à toi de les subir et que ces insultes viennent de la personne que tu aimes plus que tout ! Celui qui les subit se sentira de plus en plus dévalorisé et méprisé. Avant de lancer des paroles qui tuent, demande-toi si tu souhaiterais toi les encaisser. Tu dois apprendre à communiquer avec douceur, c'est important, le manque de respect, quel qu'il soit, rabaisse toujours l'autre et finit par détruire une relation. Il faut savoir que l'autre existe à la même place que la tienne. Le respect mutuel permet de construire un monde dans lequel chacun peut exister. N'oublie jamais cela." Le compte à rebours pour le mariage avait commencé et j'avais une mission à accomplir : les invitations et les menus, grâce à ma maîtrise de l'ordinateur, je me suis donné(e) corps et âme, passant des nuits blanches pour que tout soit parfait, et ce fut le cas. Tout au long des préparatifs, son père ne s'est jamais soucié de lui demander si elle avait besoin de quelque chose, craignant qu'elle demande de l'argent. Laura n'a jamais rien demandé, juste une seule fois, de l’argent pour mettre de l'essence dans la voiture. C'était lorsqu'elle était à la recherche d'un emploi, et son père lui a simplement dit d'aller travailler. Je trouve cela répugnant de la part d'un père de famille, d'autant plus qu'il n'a qu'une seule fille. J'ai économisé en secret pour ce mariage, voulant participer, ce qui me paraissait tout à fait normal pour des parents. J'aurais travaillé jour et nuit pour lui offrir un mariage magnifique. Je voulais qu'il soit parfait. Mon mari n'a rien dépensé pour le mariage, pas un centime, rien du tout. Alors qu’il disait à tous qu’il faisait des heures supplémentaires pour payer le mariage. Nous avions les moyens, mais aujourd'hui, je suis fière, j'ai participé sans toucher à notre compte commun. Il a bien dû vérifier les extraits. Il s'est surement posé des tonnes de questions. Mais, comment ont-ils fait pour se payer un tel mariage ? Il ne m'a jamais posé la question. De toute façon, ma réponse était toute prête. J'allais oublier, ma fille lui a demandé la voiture pour la conduire ce jour, vu la tête qu'il faisait, elle n'a plus insisté et elle a bien fait, et lui n'en a plus jamais reparlé. J'avais mal au cœur pour ma fille, un autre se serait investi à fond pour sa fille. Lui, rien, il n'était pas concerné. . Une fois de plus, j'étais seule.
Enfin le grand jour, ma fille et moi, on file chez le coiffeur. Ensuite, on change de robe pour la mairie. Elle brillait d'un éclat unique dans sa robe fuchsia, mon cœur de mère gonflait de fierté. Après la cérémonie, nous nous sommes hâtées de changer nos tenues. Je l'ai observée se transformer en princesse d'un autre monde. Son père, en la voyant, a murmuré un simple "tu es belle", sans la moindre étincelle d'émotion, comme si cette journée n'était qu'une corvée pour lui. Mon cœur se brisait pour elle, comprenant trop bien la douleur infligée par l'indifférence paternelle. Moi, j'avais passé le cap, plus rien ne me touchait, je ne voulais plus avoir mal à cause de lui. Je suis à mon tour devenue froide et distante. Mais, ce jour-là, il aurait pu au moins faire semblant et se comporter d'une autre façon. On aurait difficilement constaté la différence si monsieur s'était abstenu de venir ce jour-là. Le 23 mai 2015, le mariage a eu lieu à Drusenheim. Après la cérémonie à l'église, nous nous sommes dirigés vers la salle de réception, bien que les portes fussent encore fermées, les invités étaient déjà conquis par la magie qui émanait du lieu. Le traiteur avait dressé de grandes tables sous le vaste chapiteau. La salle demeurait inaccessible, personne n'avait droit d'y pénétrer, j'ai gentiment prévenu les invités du moment où les portes s'ouvriraient. À l'instant où les portes s'entrouvrirent, une pause silencieuse enveloppa la pièce, les convives suspendus à la magnificence de la salle. Tout était absolument parfait. Après l'installation de tous les convives, l'entrée du couple fut grandiose, sur un tapis rouge, leur prestation était époustouflante, je dois admettre que ma fille et mon gendre ont un talent incroyable, je le savais déjà pour ma fille. Cependant, j'ignorais que mon gendre était si doué, tout était parfaitement synchronisé. Plus tard dans la soirée, à la demande de ma fille et de mon gendre, j'ai accepté de chanter une ou deux chansons avec plaisir, mon mari ne semblait pas me voir. Je restais invisible à ses yeux, il baissait les yeux, j'aurais éprouvé de la honte à sa place d'agir ainsi le jour du mariage de sa propre fille unique. Ce soir-là, il a peut-être dansé deux ou trois fois, il ne parlait avec personne, arborait une mine boudeuse et scrutait les invités. Vint l'instant de la jarretière, et là, ce fut le moment culminant : il a tout simplement disparu sans dire au revoir à qui que ce soit, mais comme je souffrais au plus profond de moi, non pas pour ma part, mais pour ma fille, ce devait être le plus beau jour de sa vie, et son propre père l'a gâché, malgré les dénégations de ma fille, je sais que cela lui a fait du mal, c'est à ce moment-là que j'ai pris la décision de le quitter depuis le début. Il n'a jamais été un bon père de famille. Je le dis sans amertume.
Toutefois, ce qui m'a profondément choquée, c'est l'attitude de la mère de Jacques qui n'a pas jugé bon de contribuer financièrement au mariage de son fils. Traditionnellement, les parents prennent en charge une part des frais, si minime soit elle. Personnellement, pour cet événement, je me suis lancé dans la garde d'enfants supplémentaire afin d'épargner le nécessaire. Si l'on a les moyens de s'offrir des sorties hebdomadaires, il me semble logique de pouvoir soutenir le mariage de son enfant. Je n'éprouve aucune animosité envers cette femme, mais une dose de savoir-vivre aurait été appréciée. La surprise fut générale lorsque, ce soir-là, elle s'est permise des effusions sur la piste de danse. Et, plus tard, s'est volatilisée au moment de ranger la salle, nous laissant un bref "bon courage". Sa conduite m'a sincèrement déçue.
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