Chapitre 30
Ce jour spécifique, où je dois discuter avec ma sœur de notre maman, a été marqué par l'expression sarcastique de ma nièce. Sa mine m'a incitée à briser le silence, pourquoi cette animosité ? Sa réponse fut cinglante, reprochant ma négligence habituelle envers notre famille, tout en faisant remarquer que soudainement, j'avais trouvé le temps de venir. Elle m'a mise très en colère, de quel droit, se permet-elle, de me parler ainsi. De ma sœur, je l'aurais accepté, mais pas venant de ma nièce. Une fois le tonnerre passé, ma sœur et moi nous pouvions enfin discuter. Je sais, même si ma sœur ne disait rien, qu'elle n'en pensait pas moins. Je suis certaine, que le jour de l'enterrement de maman, elle m'a sali, en racontant à toute la famille, combien j'étais mauvaise, par rapport à son mari. C'est pour cette raison que beaucoup m'évitaient, ou me regardaient bizarrement. Personne ne m'a adressé la parole. En sortant de la petite chapelle, nous étions assis sur un petit muret ma fille et moi. Je pleurais tellement, heureusement que ma fille m'a soutenu. J'avais l'impression que je ne faisais pas partie de la famille. Et, comme le veut la tradition, après le culte, nous allons chez les proches, boire un verre et parler du défunt. Mais, ma fille et moi, nous étions exclus. Ça faisait très mal, même si ma décision de ne pas y aller, je l'avais prise. Ma sœur aurait pu fournir un effort ce jour-là, maman de là-haut aurait été contente. Je n'ai presque rien pris, j'ai laissé beaucoup à ma sœur, ce que j'ai trouvé normal, vu qu'elle le méritait bien plus que moi. Au fond de moi, l’idée de prendre quoi que ce soit m’était étrangère. Je désirais seulement être là, sans rien attendre en retour, loin d’être opportuniste. J'avais pourtant le même droit de réclamer ma part que ma sœur. Cependant, elles ne saisiront jamais qui je suis réellement. Merci à son ex-époux, l'homme responsable du fossé entre ma sœur et moi. S’il connaissait l'état de notre relation actuelle, cela le comblerait. Pendant la visite de l'appartement maternel en compagnie de ma sœur, et de nos filles, nous avons commencé à trier les vêtements de maman. Tous ses biens ont été conservés avec minutieusement –, même le superflu, était enveloppé avec le plus grand soin. Ces vêtements étaient comme neuf, souvent, je lui disais, « pourquoi ne portes-tu pas ceci ou cela ? ». Elle répondait, « je les garde pour partir ». Elle aurait dû jouir de leur utilisation bien plus fréquemment, au lieu de réserver pour des occasions spéciales. Désormais, elle s'en est allée. L'ouverture de son armoire révélait une organisation impeccable, pas un vêtement ne dépassait l’autre, une perfection inébranlable. Il n'y avait pas un morceau de tissus, qui ne s'alignait pas sur l'autre, tout était parfait. Comme maman, mon frère, ma sœur partage cette obsession de l'ordre rigide. En revanche, je confesse d'être l'exception ; moins encline au ménage, sans pour autant sombrer dans le désordre. Puis, contre toute attente, en cette semaine pluvieuse, un rayon de soleil perça soudainement, baignant la pièce d'une lumière douce, c'était comme si maman nous touchait de sa présence, nous signalant de lâcher notre tristesse pour célébrer son bonheur retrouvé avec Jean-Pierre et les êtres chers envolés. Les yeux se rencontrèrent et quelque chose sembla s'alléger en nous, la suite se déroula sans accroc, ma sœur, ayant observé ma modération, m'accorda le choix de quelques souvenirs, cette reconnaissance tacite apaisa mes appréhensions quels que soient ses sentiments à mon égard, je lui étais éternellement reconnaissante pour son assistance à notre mère et frère.
Il était désormais temps de prendre congé, avec la douloureuse certitude que je ne repasserais plus jamais le seuil de cette porte. J'ai la sensation nette que c'est l'adieu final à ce lieu chargé de souvenirs, les images affluent, submergent mes pensées et les larmes coulent : maman n'est plus là pour m'accueillir, et les rires et complicités
partagés ne sont plus que des échos lointains, maman nous a quittés, laissant derrière elle notre peine et un gouffre de regret qui est le mien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire